Bonne nouvelle, Cassandre

Quand la mythologie grecque résonne avec le monde d’aujourd’hui

image_author_Manon_Desportes
Par Manon Desportes
29 sept. · 3 mn à lire
Partager cet article :

Mon pire cauchemar

Quand la réalité est plus cauchemardesque que les mythes, on se replonge dans les mythes

“Inspiré de faits réels”. 

Cette fois-ci, ce n’est pas de la fiction. Tout est vrai, si vrai que tout est filmé. Le 2 septembre dernier s’est ouvert le procès de Mazan. Depuis, nous observons le courage de Gisèle Pélicot et la lâcheté des accusés. Comme moi, vous oscillez peut-être entre l’incompréhension, la colère et la peur. 

Est-on vraiment en sécurité quand on dort ? Cette question tourmente les hommes, mais surtout les femmes, depuis des siècles. Et bien sûr, la mythologie y répond à sa manière. Hélas, ce qu’elle a à nous dire n’est pas de nature à nous rassurer. 

On trouve dans de nombreux récits antiques, la mention du démon Éphialtès qui se jette la nuit sur ses victimes endormies pour les écraser de tout son poids, les étouffer et les violer. Comme son équivalent romain Incube, le terme éphialtès est même utilisé en nom commun jusqu’au XVIIème siècle pour décrire un cauchemar. Mais c’est bien le nom propre qui nous intéresse aujourd’hui.  

The Nightmare de John Henry Fuseli (1781)

Alors qui es tu, Éphialtès ? 

Ce n’est pas le récit d’un homme que je vais vous faire mais celui de deux hommes, deux frères plus précisément. Car l’histoire d’Éphialtès est indissociable de celle de son jumeau, Otos. 

Éphialtès et Otos sont les enfants illégitimes d’Iphimédie, petite fille de Poséidon et personnage obscur dont la seule autre mention se trouve dans l’Odyssée lors de sa rencontre avec Ulysse… aux Enfers. Et pour ajouter encore un peu plus de noirceur sur ce mythe qui commence déjà comme un épisode d’Hondelatte raconte, c’est avec ce même Poséidon qu’Iphimédie conçoit ses fils. Le dieu devenant père et grand-père de ses propres enfants. 

Mais vous le savez, la mythologie s’embarasse assez peu du tabou de l’inceste et l’union d’Iphimédie et Poséidon est même tout ce qu’il a de plus romantique : un matin d’été, la jeune femme, entichée du dieu des océans, s’assoie au bord de la mer. Pressée d’attirer son attention, d’un geste lascif, elle se rafraîchit la poitrine de quelques gouttes d’eau salée. Il n’en faut pas plus, Iphimédie est enceinte. 

Très vite, elle comprend que Poséidon n’a pas l’âme domestique, alors elle se met en quête de trouver un père pour ses jumeaux. Le roi Aloée, fils d’Hélios, lui fait justement la cour, une aubaine ! Pour encourager chez lui un sentiment de paternité, elle surnomme ses deux nouveaux-nés les Aloades, en hommage à leur beau-père. 

Mais pour cette famille recomposée, les ennuis ne tardent pas à arriver : les jumeaux grandissent vite, très vite, trop vite. À neuf ans, ils font déjà trois mètres de large et cent de haut. Plus problématique encore, les deux géants développent un goût prononcé pour le conflit. À dix ans, ils déclarent ni plus ni moins la guerre à l’Olympe. À onze, Éphialtès jure d’outrager nulle autre que la reine des divinités, Héra, quand Otos, toujours dans l’ombre de son frère, se promet, lui, de violer Artémis, la plus farouche des déesses. 

Sans plus attendre, ils quittent le domicile familial au grand soulagement de leur père adoptif et entreprennent le siège de l’Olympe. Ils commencent par enlever Arès, le dieu de la guerre, puis entassent le mont Pélion sur le mont Ossa afin de s’en servir comme rampe de lancement. 

Dieux et déesses, abasourdis à la fois par l’audace et la force des deux enragés, se décident à agir. Première étape bien connue : diviser pour mieux régner. 

Aloades, écoutez mon message, leur dit Artémis. Calmez votre courroux et venez me rejoindre sur la belle île de Naxos. Je m’y unirai à toi, Otos, comme tu en a exprimé le souhait. 

Outré que le désir de son frère passe avant le sien, Éphialtès éructe de rage. S’il n’obtient pas Héra, c’est Artémis qu’il prendra. À grandes enjambées, les jumeaux prennent chacun la direction de Naxos. L’un arrive de l’Est et l’autre de l’Ouest. Au sommet de l’île, ils aperçoivent Artémis, qui a pris l’apparence d’une biche blanche. Les deux frères se regardent et la haine l’emporte. 

...